Dans les cadre de mes différentes formations et pratiques, je me fais superviser (je vais consulter un·e formateur·rice ou un·e specialiste du domaine à qui j’expose des questions professionnelles que je me pose ou de difficultés que je rencontre et ensemble, nous tâchons de trouver la meilleure possibilité d’y faire face). C’est le cas pour la Coordination Respiratoire, l’enseignement du chant, ou l’Analyse Transactionnelle.
Dernièrement dans ce cadre j’ai mis le doigt sur une forme géométrique qui me poursuit : le triangle. Outre bien entendu les cours de mathématiques, j’ai retrouvé beaucoup de triangles au sein de différentes formations, qu’ils soient exprimés comme tels ou que je les « déduise » d’une certaine manière.
J’ai retrouvé beaucoup de triangles pendant le CAS de Dramaturgie à l’Université de Lausanne. La formatrice principale, Danièle Chaperon (merveilleuse pédagogue d’ailleurs) en use (et abuse ?) à tous les coins (ou les sommets) de modules. Dans la pratique dont je parle sur ce blog, ces triangles-ci sont peu présents… néanmoins, ils ont probablement le mérite de m’avoir mis sur la voie de cette représentation graphique pour le moins efficace pour expliciter des concepts.
Le triangle pédagogique
La première formation complète que j’ai terminée est celle qui a fait de moi pendant quelques années un enseignant à l’école primaire dans le système public en Suisse romande. Un concept clé parmi ceux qui nous sont passés devant les yeux est celui du triangle pédagogique.
Dans ce triangle, on comprend qu’un enseignement de qualité repose sur un équilibre entre l’enseignant·e, l’élève et le savoir. L’élève ne doit pas seulement recevoir le savoir, mais être acteur de ses apprentissages en explorant et en questionnant. L’enseignant·e organise, accompagne et favorise les échanges pour que le savoir circule et prenne sens pour chaque élève. Un bon équilibre entre ces trois pôles garantit donc un apprentissage dynamique, favorise l’engagement et rend la transmission plus efficace.

Les différentes coordinations
En Coordination Respiratoire MDH™ et ensuite dans le cadre de la formation en pédagogie vocale, l’approche voit la respiration et la voix selon trois coordinations11 :
- La coordination respiratoire (CR) : comment les structures musculaires et osseuses peuvent être mises de manière optimale au service du geste respiratoire (puis de celui de la phonation)
- La coordination laryngo-pharyngée (CLP) : comment les structures musculaires du larynx et du pharynx peuvent-elles fonctionner en parfaite symbiose afin de rendre toute production sonore la plus efficace et aisée possible.
- La coordination neuro-émotionnelle (CNE) : comment les émotions interfèrent avec notre corps et comment en tirer parti pour libérer et « aligner » les structures citées au-dessus.
Bien qu’elles ne soient pas présentées sous la forme d’un triangle, j’aime bien me les représenter comme telles. L’idéal étant de trouver un bon équilibre, ou mieux, une bonne tenségrité (notion principalement utilisée en architecture pour, de manière très simplifiée, parler de la capacité d’une structure à se stabiliser par le jeu des tensions qui s’y répartissent) entre les 3 extrémités de ce triangle. Si on agit sur l’une, les deux autres peuvent être impactées. Je reviendrai plus en détail sur cette tenségrité dans un plus long article.

L’apport de l’Analyse Transactionnelle
Ma dernière formation en date (et toujours en cours au moment d’écrire ces lignes) est celle que suis en « Analyse Transactionnelle » (AT), une théorie psychologique qui étudie les relations humaines à travers l’analyse des échanges (transactions) entre individus. Je reviendrai très probablement plus en détail sur plusieurs des concepts développés par cette approche. Vous pouvez consulter quelques liens si ça vous intéresse :
- L’école dans laquelle je me forme : https://ecoleanalysetransactionnelle.ch/lat/
- Les publications les plus récentes : https://shs.cairn.info/revue-actualites-en-analyse-transactionnelle
Dans l’intervalle, j’ai envie de vous partager deux concepts clés de l’AT organisés sous forme de triangle eux aussi.
Les 3 P
Développé par Patricia Crossman en 19662 (1977 pour la traduction française) puis par Claude Steiner, cet outil permet favoriser le changement avec des notions a priori très simples : des permissions et des protections. Si ces deux éléments sont en place, chaque personne peut accéder à sa « Puissance » (en anglais « Potent » qu’on traduire aussi par « potentiel » ou « pleine capacité personnelle »).
Je simplifie pour les besoin de cet article de blog, et fais probablement quelques entorses aux réelles intentions de cet outil, c’est donc davantage la manière dont je le comprends, l’observe et l’utilise qui va suivre.

En gros, si l’on donne à une personne une Permission et qu’une Protection suffisante est présente, elle pourra accéder à sa Puissance et donc se développer.
Prenons un exemple concret :
Si je dis à un·e élève : « tu as le droit de faire des erreurs, voire même de chanter faux », c’est une Permission. Mais ce n’est qu’un premier pas. Il y a en effet des chances pour que ses processus psychiques personnels l’empêchent d’accéder à cette permission car ce serait se mettre trop « en danger ». Je lui assure donc une Protection en disant par exemple : « Si une erreur arrive, ça n’est pas grave, c’est même souhaitable, car elle montre que tu es sur un chemin d’apprentissage. D’une part c’est assez rare de faire « juste » immédiatement, et d’autre part, je ne te jugerai pas, au contraire, cette « erreur » sera un bon moyen de construire pour la suite ». J’offre alors un cadre qui permettra à l’élève de se sentir à l’aise, malgré peut-être une habitude de s’auto-juger sévèrement qui inhiberait son envie d’explorer.
A ce moment-là, l’élève peut accéder à sa Puissance, donc amorcer un changement et apprendre !
Les 3 soifs
Pour ce concept, j’avoue que je « triche » un peu, car à l’origine il n’est pas organisé sous forme de triangle. Mais à la suite de l’étude de ce qui se révèle un outil pratique, avec des collègues, nous avons proposé une représentation triangulaire, à l’image de la tenségrité vue plus haut. On peut imaginer que chaque élément peut se déplacer pour faire évoluer l’équilibre.
C’est Eric Berne, fondateur de l’AT qui regroupe pour la première fois ce qu’il a identifié comme étant les 3 besoins psychologiques fondamentaux de l’être humain, trois « soifs » (« hungers » en anglais)3. Ces besoins sont présents dès la naissance où peu après.
- La soif de structure : besoin de cohérence et de contenance (on ne survit pas dans le chaos)
- La soif de stimulation : besoin de stimuli sensoriels et psychiques.
- La soif de reconnaissance : besoin d’être aimé·e, reconnu·e, imporant·e aux yeux des autres.
Là aussi, je simplifie et je l’applique principalement à mon activité d’enseignement. J’essaie régulièrement (plus ou moins consciemment) de prévoir ou d’analyser mes cours sous l’angle de cet outil. L’équilibre de ces 3 éléments étant source de sécurité (une Protection à nouveau!) pour les élèves.

Là où réside la complexité, c’est que chaque personne est différente et a des soifs différentes. Moi aussi d’ailleurs et j’ai besoin d’être attentif à mon propre équilibre au moment d’être en interaction avec mes élèves :
J’ai pour ma part tendance à avoir un fort besoin de structure et être très généreux en termes de stimulations. Je peux traduire ça en disant : « je dois me mettre un rappel pour garder l’horaire et avoir en tête précisément là où je vais », et « je parle beaucoup pour donner beaucoup d’info ». Je sais aussi être avare en signes de reconnaissance positifs avec moi-même, et donc avec les autres.
Je vais donc adapter mon comportement en fonction des personnes : celles pour qui une structure rigide est désécurisante me demanderont d’être plus attentif à toute opportunité de dévier un peu de la route que j’ai tracée mentalement. Celles pour qui trop d’information fait peur ou enclenche trop de ruminations vont m’amener à encourager davantage de ressenti, ou de moins donner de feedback. Et sachant que, de base je ne donne pas assez de retours positifs, je m’applique régulièrement à en donner à toustes, parce que ça fait toujours du bien !
Tout ça dans un logo
Voici donc un aperçu de quelques bases de mon travail qui m’ont amené à créer un nouveau logo pour Suis Ta Voix composé… de triangles bien sûr !

Références
- Haas, R. de. (2015). La voie de la voix : Une approche révolutionnaire de l’instrument humain. Favre. ↩︎
- Crossman, P. (2008). Permission et Protection. Les classiques de l’Analyse Transactionnelle, 2, 81‑83. ↩︎
- Brécard, F., & Hawkes, L. (2020). Le grand livre de l’analyse transactionnelle. Eyrolles. ↩︎