Et bien chantez maintenant !

par | 1.12.25 | Coordination respiratoire, Pédagogie, Psychologie

Pour le lien aux autres et à soi

En écoutant un épisode du podcast « Renverser la table » de Victoire Tuaillon, j’ai eu envie de prolonger sa réflexion sur les bienfaits du chant, qui est au cœur de ce que je propose dans mes cours : retrouver le lien avec soi-même et se faire du bien en chantant.

Elle y parle notamment du film La Vague de Sebastián Lelio (que je n’ai pas vu), où la puissance des femmes qui chantent ensemble l’a bouleversée. Elle évoque aussi «  El violador eres tu », l’hymne féministe chilien du collectif Las Tesis, dont la force vient aussi du chant en commun.

Victoire Tuaillon partage son rapport libérateur au chant et se demande : « pourquoi ça fait tellement de bien de chanter ? ». Comme je le dis souvent, chanter est un moyen de communication inné chez les humain·e·s. Elle rappelle que certain·e·s archéologues pensent même que nous avons chanté avant de parler ! Est-ce qu’on ne toucherait pas là à quelque chose d’extrêmement ancien, ancré au plus profond de nos cellules ? Peut-être…

En tout cas, physiologiquement, il se passe beaucoup de choses dans notre corps, notamment la stimulation du nerf vague. Ce long nerf a de nombreuses fonctions (liste non exhaustive) :

  • Il donne les instructions motrices aux muscles du pharynx, du larynx et du palais mou
  • Il augmente la vitesse d’évacuation de l’estomac et stimule la production d’acide (rôle clef dans la prévention du RGO)
  • Il régule le rythme cardiaque
  • Il innerve les piliers du diaphragme
  • Il est au cœur de notre système parasympathique (celui qui nous dit « tu es en sécurité »)
  • Il joue un rôle anti-inflammatoire important (on peut le voir comme un « nerf de récupération »)1

En le stimulant par la voix chantée, on peut légitimement penser qu’on se sentira mieux ensuite.
La Coordination Respiratoire MDH™ corrobore ces éléments en travaillant sur le petit débit d’air régulier, essentiel à la production vocale et caractéristique d’un corps en sécurité2. Au lieu de rester dans le figement lié aux traumas (grands ou petits) que nous avons tou·te·s vécus, mieux respirer et chanter peuvent remettre du mouvement, physiquement comme psychologiquement.

L’union fait la force

Le chant en groupe favoriserait aussi la sécrétion d’ocytocine, cette « hormone du lien social ». Chanter pour les autres ou avec les autres serait donc particulièrement bénéfique. Seul c’est bien, à plusieurs c’est encore mieux !

Ma propre expérience le confirme. J’ai vécu en Allemagne de 2007 à 2008 pour mes études de pédagogie. J’y ai tissé des liens très forts avec plusieurs étudiant·e·s allemand·e·s, alors que mes collègues internationaux Erasmus peinaient à vraiment entrer en lien avec les « locaux ». Ce qui m’a aidé ? Presque une dizaine d’heures de cours de musique par semaine (pas uniquement du chant, mais tout de même). Au printemps 2024, j’ai passé la soirée avec l’un de ces amis (désormais musicien professionnel !) alors qu’on ne s’était pas vus depuis 6 ans.

Femmes chœur chanter

L’art de crier joliment

Chanter devant un professeur (moi, par exemple !) est à la fois un défi et un possible soulagement. Victoire Tuaillon réagit à la phrase d’une voisine chanteuse professionnelle, « chanter c’est l’art de faire un beau cri », en rappelant qu’il y a « beaucoup de femmes qui ne savent pas crier ». J’aime beaucoup cette image du beau cri, et je constate ce biais de genre dans mes cours.
Certains hommes ont parfois du mal à accéder à certaines zones de leur voix ou à l’utiliser à bon volume, mais ils « osent » souvent davantage. Cette semaine encore, deux élèves étaient à la fois surprises, en joie et très gênées par la place et l’ampleur que prenait soudain leur voix.

Prendre sa place dans le monde n’est ni anodin ni facile, et s’y autoriser peut prendre du temps. Passer par le chant peut y aider (que l’on suive des cours ou non). Au fond, c’est ce que je recherche : accompagner mes élèves sur le chemin du contact avec leur voix chantée, donc avec leur être.

Et maintenant ?

D’après cet épisode, en France 2 millions de personnes font partie d’une chorale. En Suisse, le domaine semble également bien se porter. En 2008,  une personne sur 7 déclarait pratiquer le chant. En 2021, l’Union suisse des chorales revendique 1432 chœurs affiliés et plus de 40 000 membres, et estime ne pas avoir trop souffert de la crise du COVID.

Cela dit, beaucoup de chœurs cherchent régulièrement des membres actif·ve·s. Quelques pistes pour en trouver :

Victoire Tuaillon parle aussi de chorales en mixité choisie, où la présence régulière n’est pas obligatoire. Malgré mes recherches, je n’ai rien trouvé de comparable en Suisse romande. Si vous connaissez quelque chose de ce genre, dites-le moi et j’ajouterai le lien ici.

J’ai néanmoins eu vent de ce qu’organise le Théâtre du passage à Neuchâtel ici : https://www.theatredupassage.ch

Elle mentionne encore les circle songs, qui privilégient l’improvisation chantée quel que soit le niveau (et chanter ensemble aide à chanter plus juste !).  Une simple recherche Google devrait vous permettre d’en trouver près de chez vous.

D’ici là, comme je le répète à mes élèves : même si vous ne faites pas les exercices, n’arrêtez surtout pas de chanter. Ça semble vital.


  1. Byrne, A. (2020). The Singing Athlete : Brain-based Training for Your Voice. Andrew Byrne Studio Inc. ↩︎
  2. Haas, R. de. (2015). La voie de la voix : Une approche révolutionnaire de l’instrument humain. Favre. ↩︎